Offres

Chambres

À l’Hôtel Château Laurier Québec nous désirons conserver en mémoire le sentiment collectif qui nous habite depuis que nous sommes privés de voyager.  Notre projet : rassembler un échantillonnage de textes de divers univers. Voici les différents textes reçus de personnalités publiques, d’auteurs et de citoyens que nous vous invitons à découvrir les textes .

Nous avons été particulièrement inspirés par la citation de Hans Christian Andersen  « Voyager c’est vivre. ».

Merci à Les Libraires pour leur participation dans ce projet.

De plus, l’hôtel accueillera cet été une exposition des artistes de la MRC de l’Île d’Orléans inspirés de la thématique « Un an sans voyager. » Nous vous invitons à passer voir leurs créations dans le Foyer Des Plaines de l’hôtel.

 

Texte par Alain Girard:

Aurions-nous pu imaginer, à l’aube de 2020, que cette soif et ce besoin de découverte et d’évasion nous seraient tout simplement refusés au nom du bien-être collectif? Poser la question c’est y répondre : bien sûr que non. Le tourisme s’est développé à la vitesse grand V au cours des deux dernières décennies. Des destinations émergentes sont apparues sur nos écrans radar. La terre est dorénavant la seule limite à ce désir de découvrir, et encore. Certains pensent même à la commercialisation, dans un avenir prévisible, de voyages dans l’espace.

Il y a donc un an, la possibilité de voyager a été sérieusement mise à mal. Les frontières sont devenues des obstacles réels, difficiles à franchir. Du jour au lendemain, les hôtels, particulièrement en milieu urbain, ont vu leur achalandage s’effondrer. La majorité des sites et attraits touristiques ont été désertés. Les événements où les spectateurs pouvaient vibrer au diapason d’une même énergie ont tous été mis sur pause. C’est comme si, tout d’un coup, quelqu’un avait fermé l’interrupteur et coupé le courant qui alimentait les rêves et les projets de millions de voyageurs.

Comme l’industrie du tourisme est notre domaine, nous nous sentons fortement concernés. Dans l’attente d’un redémarrage du tourisme et de pouvoir, nous aussi, découvrir de nouveaux horizons, nous avons pensé à un projet. Nous avons donc invité des personnalités publiques, des auteurs et des citoyens à nous livrer un texte où ils s’exprimeraient sur comment ils ont vécu cette année sans voyager et comment ils entrevoient la perspective de voyager à nouveau. Plusieurs ont accepté l’invitation et nous livreront sous peu de courts textes. Convaincus que nous y retrouverons des témoignages fort intéressants, nous les publierons au cours des prochaines semaines sur nos médias sociaux.

Pour ma part, le goût de voyager et de découvrir de nouvelles villes et régions du monde est toujours aussi fort. Les projets de voyage ne manquent pas : Londres, les châteaux de la Loire, la Grèce, autant de destinations que nous avons, ma conjointe Suzanne et moi, le goût de découvrir ensemble. Bien sûr, comme le 11 septembre 2001 a modifié considérablement les normes de sécurité dans le transport aérien, la pandémie de la COVID viendra sans aucun doute ajouter de nouvelles normes et contraintes de nature sanitaire et affectera la façon dont nous voyageons. Mais je pense vraiment que le besoin de découverte et d’évasion est si fort que le tourisme et l’économie en général connaitront un rebond significatif au cours des prochaines années, certains économistes parlant même d’une période d’années folles. Sur ce, continuons de rêver car d’ici peu voyager sera redevenu une réalité.

Offres

Chambres

Après plus d’un an à vivre une pandémie mondiale, nous avons demandé à des auteur(trice)s de nous écrire un texte décrivant leur sentiment dû à l’impossibilité de voyager durant la dernière année.

Voici les textes reçus de ces écrivains:

Texte par Nora Atalla:

Passerelles

N’ai-je pas toujours rêvé d’enjamber l’univers? Pourtant, je reste inerte, l’apathie s’empare de moi. Les jours s’impatientent de me voir partir. Je cherche à renaître hors des marécages. Tendre ma main ne suffit pas; je m’embourbe dans le marasme, feuillette des panoramas virtuels.

Ma maison est prison. Les barreaux se multiplient, surgissant de toutes parts. Je m’insurge contre le temps qui s’étire sans issue. Voler. Est-ce si difficile?

Les pages d’un livre s’imposent. Quelques images me titillent. Que découvrir entre les couleurs étalées? Je cherche une autre dimension dans l’épaisseur de ma brume. Rester, déguerpir? Pour aller où? La réponse m’élude, tout s’éloigne de moi. Où est-ce l’inverse?

Écrire. Je plonge, à défaut d’oxygène. De ma fenêtre, la neige fond sur mes souvenirs.

À Santiago, les manifestants envahissent les rues, tapent sur des casseroles, baladent des banderoles, affichent leur souffrance, leur révolte. Les graffitis prolifèrent. Les carabiniers cernent les insurgés. Aux armes! Boucliers, gourdins, bombes lacrymogènes, de caoutchouc. Les éborgnés pullulent. Des truands s’infiltrent dans le chaos, incendient des pneus, barrent les routes, taxent les voyageurs. La terreur s’insinue dans les esprits.

Je poursuis la ligne du temps jusqu’à Catacamas. Notre jeep s’arrête près d’une fontaine sur la route caillouteuse qui fend la jungle hondurienne. Le soleil plombe sans pitié, la sueur dégouline sur nos visages. Des soldats courent très vite vers nous, émergent des arbres; ils transportent leurs kalachnikovs et du gibier ligoté à une grosse branche… Ils veulent se laver de son sang. Le gibier, c’est le cadavre d’un homme abattu.

Je filme. Je fuis, de mon fauteuil traverse en trombe les continents.

J’arpente Héliopolis qui m’a vu naître. La rue de mes parents. L’immeuble aux balcons arrondis. Je monte à l’étage. Une ancienne voisine m’ouvre. Nous pleurons le passé. Le Caire, je m’égare dans ses rues. Le fantôme de Naguib Mahfouz traîne à Khan El-Khalil. Voilà, l’Immeuble Yacoubian qui a servi au film, puis Talaat Harb, le centre-ville. Un climat d’instabilité règne.

Je me propulse dans le désert de Siouah; dattes et goyaves s’offrent dans l’oasis aux mille parfums. Mais le sable triomphe; les hommes aussi. Un fellah tire un âne; l’âne tire une charrette; la charrette transporte l’opprobre : dix femmes, cinq fillettes, toutes en bleu, toutes en burqa. Prisons individuelles. Mon cœur se brise.

Je fuis encore, bien à l’abri dans mon pays de glace.

Je rejoins le bord de mer libanais. Une roquette quitte Tripoli, passe au-dessus de ma tête, fonce sur Beyrouth. Mon oncle, ma cousine, sa famille? Ils sont saufs. Longer la rue Hamra, la rouge. En chemin, les poubelles flambent. Sur la place des Martyrs, la statue de bronze est criblée de projectiles. À Harissa, perchée sur la montagne, Notre-Dame du Liban ouvre ses bras.

J’atterris à Yaoundé. Végétation luxuriante, sauvage, colorée. C’est la guerre aux serpents, aux fourmis, aux moustiques à la tombée du soir. Afrique chérie, aux moultes couleurs. Pagnes bariolés, bouis-bouis, taudis, le long des chemins de poussière… Luxe et misère se côtoient joyeusement. Soudain, des voix hurlent. « Au voleur! Au voleur! » Un type court comme un dément. La foule le rattrape, lui arrache la chemise, le bat. Justice de la rue.

Je laisse là-bas un bout de cœur, un brin d’épouvante me vomit chez moi, dans mon refuge.

Au loin m’attendent tant de frayeurs, mais tant d’aventures, de joies, d’accents mélodieux, de bras étrangers. J’épouse l’espoir de leur tendre mon visage, de tresser mes mots aux leurs, d’embrasser leurs histoires. L’absence de passerelles déchire l’horizon. Un manque se creuse entre nous. Trop de paysages quittent mon destin.

Chercher l’horizon inconnu. Comment atteindre le ciel? En vain, je cherche à agripper l’aile d’un oiseau. Sans moi, il prend son envol.

Texte par Alain Beaulieu:

La plus belle suite

L’homme se tenait dans l’ombre du Château Laurier, une cigarette au bec qu’il n’allumerait pas puisqu’il venait d’arrêter de fumer trois jours plus tôt. Depuis que la pluie avait cessé, le vent de la nuit soufflait sur Québec une brume inquiétante, que les lampadaires teintaient ici et là d’un ocre discret.

Elle lui avait écrit de son Espagne natale, un rendez-vous de fin de pandémie. Il n’y avait cru qu’à moitié. Après tout, ils n’avaient passé que quatre jours ensemble, et c’était bien avant l’arrivée du virus. S’étaient rencontrés là, dans le hall de l’hôtel où il avait l’habitude de séjourner quand il passait par la capitale. Sa première et unique aventure depuis sa séparation, un baume sur une année difficile.

Il a ouvert son téléphone, a rafraîchi la page des arrivées à l’aéroport Jean-Lesage. Le vol en provenance de Madrid, avec une escale à Montréal, avait été retardé et n’arriverait que dans trente minutes.

Il avait envoyé le chauffeur de l’hôtel la cueillir à sa sortie de l’aérogare. Il avait inscrit lui-même le nom de son invitée sur son carton – Liliana Hernandez – et l’avait décrite succinctement : grande, cheveux foncés, lunettes rondes sur un nez aquilin… Le chauffeur avait souri, complice, en acceptant le pourboire qu’on venait de lui glisser dans la main.

La pluie avait patiné le décor, les lumières du Manège militaire striant le bitume, et un remugle de terre humide montait des plaines d’Abraham. Il a replacé sa cigarette sur son oreille et a remonté la pente de l’avenue Wilfrid-Laurier jusqu’à la statue du Général de Gaulle autour de laquelle un groupe de Français visiblement éméchés avait improvisé une cérémonie aux chandelles arrosée de bière québécoise et de vin bordelais.

Un tintement de clochette a illuminé son téléphone. Liliana lui annonçait par texto son arrivée imminente à Québec, avec deux coupes de champagne en guise d’icônes. Les touristes français ont applaudi comme pour répondre au message, ce qui l’a fait sourire. Votre carrosse vous attend, a-t-il texté en retour, et je nous ai réservé la plus belle suite de l’hôtel.

Partout la ville renaissait après des mois de couvre-feu, et cette effervescence l’a poussé vers la Grande-Allée, bondée même si bien des commerces avaient fermé leurs portes. Les gens déambulaient par petits groupes au centre de la chaussée comme aux festivités du 31 décembre alors que des bourgeons naissaient les premières pousses du printemps.

Il s’est laissé porter par la foule et a regagné son hôtel, qui lui aussi reprenait vie après la disette. Contournant la file qui venait de se former devant la réception, il a salué le chasseur, filant vers le bar pour commander le champagne avant d’entrer dans le fumoir pour allumer sa cigarette, dans l’attente impatiente de celle avec qui il allait passer la nuit.

Texte par Maude Déry:

L’impermanence

Voyager est une façon de fuir notre quotidien étouffant, d’élargir nos horizons, de découvrir d’autres cultures et, par le fait même, d’ouvrir nos œillères, de modifier notre perception du monde, de l’Autre. La pandémie a freiné ce mouvement considéré par certains comme salvateur. Elle nous a forcés à reporter notre attention sur nos propres migrations intérieures, celles que l’on ne prenait peut-être plus la peine d’interroger. Nous avons été projetés, malgré nous, dans un univers que l’on croyait bien connaître et qui, tout à coup, nous est apparu étranger. Il a fallu se réapproprier notre identité, nos valeurs, nos désirs, nos blessures. Il a fallu se montrer honnêtes envers nous-mêmes. Nous sommes devenus aussi fragiles et vulnérables que la terre sur laquelle nous marchions.

Hélène Dorion décrit de façon remarquable notre tendance à éviter les événements difficiles au lieu de les embrasser pour mieux nous transformer : « Nous développons rapidement le réflexe de chercher à éviter les situations inconfortables et à ramener vers le connu ce qui semble vouloir y échapper. Tout doit forcément être noir ou blanc, nous avons une aversion pour le gris, pour ce qui n’est pas linéaire et ne va pas du point A au point B par une droite. D’instinct, nous réagissons à l’inconfort par la fuite, niant par là l’expérience qui nous est offerte.[1] » La pandémie ne nous a pas laissé le choix : la fuite n’étant plus possible, nous avons dû nous tenir au plus près de ce qui nous constitue : l’impermanence. L’impermanence de l’instant, de la vie, de ce socle sur lequel nous nous tenions et que nous croyions inaltérable. Nous avons remis en question nos croyances, nos exigences démesurées.

Certains se sont découvert des talents insoupçonnés, ont pris le temps de reconnecter avec une partie d’eux qu’ils n’avaient peut-être jamais pris la peine d’écouter. Le confinement nous a poussés, malgré nous, à apprécier ce que la nature avait à nous offrir, à sillonner les recoins oubliés de notre ville, à nous émerveiller devant la fonte des neiges, le chant des oiseaux, le miroitement du soleil sur les rivières à peine délivrées des glaces. Nous avons voyagé autrement, dans un espace qui nous apparaissait dorénavant bien plus vaste que ce qu’il laissait présager. En ce sens, nous avons modifié notre regard sur le monde, découvrant ainsi une force tranquille couvant sous nos barricades échafaudées sur d’illusoires certitudes. Nous avons compris que nous pouvions être une maison pour nous-mêmes, que notre existence, seule, suffisait. Nous avons appris à nous arrêter pour mieux retrouver le simple plaisir de vivre, le simple plaisir de respirer. Nous avons prêté attention à notre détresse, nous lui avons donné la tribune qu’elle méritait, nous ne l’avons pas refoulée sous les injonctions quotidiennes, mais plutôt accueillie pour ce qu’elle était : un moyen de nous détourner de notre égo.

Nous avons redécouvert le pouvoir salvateur des mots, la grande sagesse cachée des livres, de toute forme d’art. Nous avons cherché dans les écrits des autres une forme de réponse, un écho à nos doutes les plus profonds. Chaque œuvre lue, vue, est devenue une nouvelle traversée vers l’Autre, une tanière où nous réfugier pour mieux contempler l’orage.

[1] DORION, Hélène, Recommencements, Montréal, Druide, 2014, p. 38-39.

 

Texte par Jean Désy:

Vivre pour voyager
Voyager pour mieux respirer
Survivre pour mieux prier
Voyager pour éterniser
Au cœur de tous les cosmos
Et des vagabondages les plus fous
En réalité comme en imagination

Vivre pour voyager
Quand partir n’est pas fuir
Mais chercher toute sa vie
Le bout de chacun des sentiers
De chaque sommet où l’air sent le ciel
Là où naissent les vrais départs
Menant à l’outre-vie à l’Autre-vie

Vivre pour risquer sa vie
Mais qui souhaite toucher la mort
Bien que la descente d’une rivière du Nord
En canot à travers les glaces d’avril
En vaille plus que la peine
L’essentialité pour tout nomade
Restant la métamorphose
Créée par toute expédition
La course en kayak sur le Saint-Laurent
Entre la pointe d’Argentenay et Blanc-Sablon
Comme la transhumance l’exploration
Les rencontres et mille discussions
En dix langues et cent dialectes
Afin de rire de boire et de chanter
Assis autour d’un feu allumé
Par des Innus des Cris ou des Maoris

Décoller voyager nomadiser
Sur un voilier avaleur de marées
Entre le pont de Québec et l’Acadie
Ou en ski de fond pour une traversée
Entre le centre-ville de Montréal et Kuujjuaq
À travers les lichens où gambadent les caribous
Raccordant la Baie-James à l’Ungava
Là-bas tout aux confins du pays inuit
Et des plus ancestraux coureurs de froid

S’envoler pour déguerpir et planer
Dans un « voyage au bout de la nuit »
Tant dans son corps que dans son esprit
En parcourant pendant soixante-dix nuits
Couché sur une banquette du Transsibérien
Tous les romans de Dostoïevski
Comme les essais de Bernard Moitessier
Celui qui fit le tour du globe en solitaire
En poète en amoureux de la mer
Sur le « Joshua » remisé à La Rochelle

Vivre en reconnaissant l’art du voyage
Lors d’une cordée dans l’Himalaya
Toujours en chair en os et en esprit
Si nécessaire pour la paix de l’âme
Chez tout nomade invétéré
Qui un jour sentit jaillir dans ses veines
Le tumulte des coureurs de bois
Eux qui ont aimé si passionnément portager
Entre Trois-Rivières et les Aléoutiennes
Pour un beau jour atteindre la planète
D’un Petit Prince qui se laissa piquer
Par le destin changé en serpent
Afin de poursuivre le plus difficile
Mais aussi ce qui est primordial
Si déterminant pour le vol de l’âme
C’est-à-dire l’ultime voyagerie
En direction de la terre promise

Il n’y a pas vraiment d’autres façons d’être
Que de renaître le long d’une paroi glacée
Au Kilimandjaro comme au mont Blanc
Ou à cent pas de la crête sommitale
Du Chomolungma tibétain
Là où cent mille soleils se confondent
Là où les dieux et déesses intercèdent
Pour l’être de défis qui accepte
De tout sacrifier selon les apparences
Afin de ne rien sacrifier en vérité
Ni de ne jamais bafouer l’art si nécessaire
D’apprendre à marcher courir et grimper
Jusqu’aux portes de la Joie

 

Texte par Marie-Ève Muller:

Touriste chez soi

Le carcan de glace du Saint-Laurent craquèle sous l’assaut du soleil printanier. Au loin, le caquètement des bernaches annonce la fin des bottes et pelisses. Bientôt, le sang affluera dans nos jambes engourdies comme la sève dans les érables. L’envie de quitter notre nid douillet se fera de plus en plus pressant, surtout après un long hiver de confinement. Si, comme moi, les voyages rythmaient votre vie, l’immobilité imposée par les mesures sanitaires deviendra peu à peu insupportable. En voiture, en vélo, à pied, à la rame, peu importe! Tous les moyens seront bons pour fuir les murs trop vus ces derniers mois.

Partir. Mais pour aller où, alors que les frontières sont fermées, les avions absents du ciel? Déjà, depuis quelques années, ma posture par rapport aux voyages changeait. Comment justifier mon empreinte écologique pour traverser océans et continents dans le seul but de mon propre émerveillement? Comment visiter des pays, des peuples, sans reproduire un colonialisme nouveau genre, insidieux, qui folkorise les habitants et les maintiennent en état de pauvreté sous prétexte de faire « rouler » l’économie? Lors de mon dernier voyage, ma posture de touriste m’avait pesée. Les ganses de mon sac à dos trop lourd meurtrissaient mes épaules. Peut-être que les temps avaient changé… Ou moi.

Avant même la pandémie, je recentrais mon désir de voyage au cœur de mon pays. Melbourne en Estrie ne titille peut-être pas l’imaginaire de la même façon que celui en Australie, mais quand même, la région a à offrir. Que n’ai-je pas encore découvert dans ma propre cour? Et si je redécouvrais ma ville avec la même ouverture que lorsque je me perds dans les rues d’Hanoï ou que je combats le vent à Reykjavik?

Ce que j’aime du voyage, c’est d’être habitée par ma vulnérabilité. Perdre mes repères, le contrôle sur la situation. Voyager, c’est provoquer la rencontre et l’émotion. Engager la conversation avec la serveuse au restaurant, s’assoir sur un banc pour reposer ses jambes endolories d’avoir arpentées parcs et ruelles à la recherche d’une sculpture cachée et converser avec un promeneur. C’est demander son chemin à un humain et pas à un GPS, parce qu’on n’a qu’une vieille carte en papier avec un cerne de café là où on veut aller… Voyager, c’est oublier son budget le temps de quelques jours ou encore de se donner le défi de vivre avec trois billets, pas plus. C’est dilater ses narines à la recherche des meilleures saveurs, entrer au hasard d’un boui-boui, trainer à la terrasse d’un café pour prendre le pouls d’un lieu. Partir à sa propre rencontre, à l’écoute de son propre rythme. Se lever avec le soleil pour profiter d’un quartier assoupi ou rester sous la couette jusqu’au check out.

N’en pouvant plus des mêmes quatre murs, et malgré la pandémie, j’ai choisi de prendre des vacances. De voyager, ici, dans ma propre ville. Je réserve une bonne table, de celle que je m’offre en voyage, mais si peu chez moi. Je dors à l’hôtel, dans des draps qui ne sont pas les miens, duveteux et blancs. Du haut de ma chambre, j’admire le sillage bleu d’un cargo dans la marée blanche du Saint-Laurent. Sous moi, les marcheurs profitent du soleil sur les Plaines comme les coureurs doivent envahir Central Park. Peut-être même parlerai-je à une inconnue, lui demanderai sa recommandation de meilleur point de vue sur la ville. Qui sait, je ne le connais peut-être pas.

Le voyage n’est pas la destination. Le voyage, c’est un état d’esprit.

Texte par Mattia Scarpulla:

La Terre de Feu

Graziella conclut en italien :

D’accordo! La Terra del Fuoco.

Un silence, dans la profondeur duquel je déguste la préparation du départ, le trajet jusqu’à l’aéroport, les déambulations dans les salles d’attente, mon arrivée à destination et dans les bras de mes deux amies, puis je bois une gorgée de thé, et dis en français :

― La Terre de Feu. Ça me va. Quand?

Sara s’éloigne de son écran tout en passant de l’italien au français :

― Deux heures qu’on discute! Il me faut vraiment una pausa pipì. Dopo vi spiego pourquoi je crois qu’on pourrait se revoir en septembre.

Le bruit de ses pas s’atténue jusqu’à disparaître.

Notre périple autour de Whitehorse, à l’été 2017. Les fiords du Nord-Ouest islandais en février 2018, neige, brume et invention d’histoires avec des moutons ensorcelés et des fantômes. L’Alaska en 2019, quatre mois ensemble, en voiture ou en randonnée dans le désir d’aller plus loin, de s’émerveiller devant le panorama d’une forêt ou d’un lac. Quatre mois ensemble, comme si nous avions su que notre voyage en 2020 ne serait pas possible.

Sara réapparaît avec une tasse de café fumant. Elle s’assoit sur son canapé drapé d’un tissu à la décoration labyrinthique rouge et violet. Graziella de profil, sur sa chaise berçante, le léger grincement du mouvement répétitif dans la pénombre. Je suis assis sur mon tapis de yoga, ma théière près de moi. Notre rituel du dimanche. Début de l’après-midi pour Sara à Toronto, et moi à Québec; début de soirée pour Graziella, à Rome, où déjà le soleil se couche. Nous entremêlons des phrases en italien et en français pour remplir la distance, pour regretter d’avoir choisi des professions qui nous ont précipités des deux côtés de l’océan, au lieu de continuer de vivre dans notre quartier d’origine à Bologne.

Notre rituel du dimanche dure des heures, jusqu’à ce que notre imagination nous fatigue. Et là, enfin, nous trouvons le voyage idéal. La Terre de Feu.

Chaque année, nous avons pris l’habitude d’arpenter des territoires immenses, à l’écart des infrastructures humaines, pour célébrer notre amitié, prendre le temps de nous raconter nos amours, nos rêves, notre travail. La Terre de Feu, une fois atteinte, tentes et provisions sur le dos, aurons-nous le droit de voyager dans un désert de roches cerné par des vagues? Nous apporterons nos masques et notre gel hydroalcoolique, bien sûr. Mais en aurons-nous besoin? La Terre de Feu, pourquoi pas?

Sara affirme :

― Je peux obtenir mon mois de septembre.

Graziella rebondit :

Domani, j’en parle avec mon équipe.

Je hurle, heureux :

― Et moi avec ma chef!

Sara applaudit, puis lève un index, comme si elle voulait poser une question :

In settembre, il faudrait que nous retournions en Islande. On dit que les aurores boréales sont incroyables.

Le visage de Graziella et le mien affichent l’étonnement. Je me plains en gesticulant :

Ah no! La Terre de Feu ou l’Islande?

Sara poursuit, songeuse :

― Parce que, si on loue une maison au milieu des terres, au nord, vous savez, après Holar…

Nous l’interrompons en éclatant de rire. Elle secoue la tête, soupire, puis rit avec nous.

Nos mains s’approchent des caméras, cherchent à toucher les autres doigts, sentir leur texture. Une excuse pour ne pas se quitter, étirer le temps. Spéculer encore trente minutes, une heure.

Graziella reprend les choses en main :

― Bon! Cette semaine, on s’informe pour prendre nos vacances. Dimanche prochain, on reparle des dates. Vas-y Sara. Allora, cette idée d’aller voir les aurores boréales…

 

Offres

Chambres

Après plus d’un an à vivre une pandémie mondiale, nous avons demandé à certaines personnalités publiques de nous faire parvenir un texte décrivant leur sentiment dû à l’impossibilité de voyager durant la dernière année.

Voici les textes reçus par certaines de ces personnalités. Merci de votre collaboration!

 

Texte de Yves-François Blanchet

Chef du parti du Bloc québécois

L’idée même du voyage interpelle des formes, des vents, des couleurs, des soleils, des saveurs et des musiques, des odeurs et des sensations créées par la différence et l’histoire. On ne réalise jamais autant le privilège qu’on a de sillonner le monde que lorsqu’on en est privé, alors qu’il y a moins d’un siècle, tant de nous quittaient à peine leur région natale. Tôt ou tard, nos pas nous ramènent plus près de chez soi, et dans mon cas, me tirent irrésistiblement vers la seule capitale de ma nation, fière et française, vers cette ville de Québec où je me sens chez moi, où je me rends au moindre prétexte, ou sans raison autre que le bonheur. Ce bonheur me manque. J’y reviendrai au premier jour.

 

Texte de Jean-Paul Desjardins

Administrateur de sociétés

Voyager, c’est rencontrer!

Que peuvent faire des personnes qui sont quadraplégiques, ou encore des personnes qui ont été emprisonnées pour de longues périodes, avec raison ou à tort? Rêvent-elles à voyager? Comment le font-elles? C’est le début de ma réflexion, le voyage, c’est l’ouverture, la possibilité de découvrir quelque chose, une culture, des gens différents ou semblables. Nous pouvons le faire par la lecture, en rêvant, en fermant tout simplement les yeux, ou tout bonnement en regardant un documentaire, un film qui nous amène ailleurs! … En s’imaginant un univers, des personnages, comme le fait J. K. Rowling, ou encore Tolkien.

De plus en plus, les inventions technologiques nous plongent dans des univers qui nous semblent réels; voyageons-nous alors, sommes-nous ailleurs? Découvrons-nous quelque chose de nouveau par la réalité augmentée? Voyager, c’est d’abord la rencontre, c’est explorer, c’est connaître un nouvel aspect de quelqu’un, c’est s’intéresser à l’autre, peu importe la façon dont nous le faisons. La belle, la vraie rencontre peut avoir lieu au coin de la rue, chez soi, en Thaïlande, en allant marcher… pourvu que la personne humaine demeure au centre de notre démarche, de notre voyage… Voilà, j’espère vous avoir déjà fait voyager!

Jean-Paul Desjardins, toujours à la poursuite de nouvelles rencontres!

 

Texte de Alicia Despins:

Conseillère municipale, district Vanier-Duberger
Membre du comité exécutif et responsable de la culture, de la techno-culture et des grands événements – Ville de Québec

Le voyage, c’est la découverte, c’est l’aventure.

Pour beaucoup d’entre nous, c’est un besoin inexplicable, une façon de briser la monotonie du quotidien ou de relativiser notre existence, la replacer dans un contexte mondial. Chamboulant tous les aspects de nos vies, la pandémie n’aura heureusement pas réussi à éradiquer notre goût du voyage même si celui-ci prend un tout nouveau sens.
Les citoyens de Québec ont redécouvert leur ville au courant des derniers mois. Que ce soit à travers un concert virtuel, capté dans notre salle de spectacle favorite, par l’apprivoisement d’un sentier urbain de raquette, via une escapade à l’hôtel pas loin de chez-nous ou par l’entremise d’un repas du restaurant du coin livré à la maison, les petites choses du quotidien sont redevenues les joyaux qu’ils ont toujours été.
Pour moi, cette redécouverte de ma belle ville de Québec s’est faite grâce à mes pieds et à mes bottes bien lacées. De longues marches à travers des quartiers et des rues que je connaissais trop peu. Accompagnée uniquement d’un roman, mes marches furent ponctuées d’évasion, à coup de chapitres, confortablement installée sur une chaise Adirondack, une petite pause à une place chaleureuse comme on le ferait à un café à Paris, une place publique à Marrakech ou un marché extérieur à Lima.

 

Texte par Sabrina Ferland

Présidente, Bellita spectacles sur mesure

Apprécier ce que l’on a

C’est toujours bon de se rappeler qu’il faut apprécier ce que l’on a au quotidien. Mais quand ce qui nous semblait acquis devient soudainement inaccessible, on se rend compte à quel point tout cela nous manque.

Pour ma part, le besoin de voyager se fait ressentir au moins deux fois par an. Chasser la grisaille de novembre ou casser le froid de février m’a infiniment manqué cette année. J’ai besoin de soleil, de liberté et de temps pour moi. Ça n’a pas été évident de combler ce vide.

L’après-pandémie changera à tout jamais notre façon de voyager. Ce sera un peu comme un « avant et après 11 septembre ». Les règles sanitaires vont sans doute demeurer, et la vigilance concernant les consignes sanitaires sera de mise encore longtemps et partout. Il y a quand même du bon dans tout ça.

Évidemment, on va beaucoup l’apprécier, notre première escapade à l’étranger.

Je crois cependant que chaque épreuve nous envoie des messages qui faut tenter de comprendre, et c’est à nous de nous adapter à la réalité du moment et d’assumer les conséquences qui en découlent. Notre belle planète a besoin qu’on prenne soin d’elle; on le sait depuis longtemps, mais c’est comme un cri d’alarme qu’on a entendu résonner, comme un « Au secours! Réveillez-vous! ». Il y a toutes sortes d’opinions et de théories là-dessus; en ce qui me concerne, la situation de la COVID m’a sensibilisée et incitée à faire encore plus attention à mon environnement et aux gens qui m’entourent.

Le fait de voyager moins à l’extérieur du Québec nous donnera assurément plus d’opportunités pour prendre le temps de découvrir davantage nos trésors locaux, nos régions et tous leurs attraits. Combien de fois aie-je discuté avec des gens qui m’ont dit n’avoir encore jamais vu le Lac-Saint-Jean. Pourtant, durant certaines semaines estivales, mis à part la couleur de l’eau, on s’y croirait comme au Mexique! Et la Gaspésie, avec ses montagnes et ses paysages à couper le souffle, Charlevoix et son Isle-aux-Coudres débordante de richesses et de perles secrètes… De quoi nourrir à souhait son besoin d’escapades! Bien sûr, la découverte de cultures différentes a un côté dépaysant supplémentaire; néanmoins, si c’est ça, s’adapter à la réalité, je crois que c’est un beau « prix de consolation »!

Apprendre à être bien chez soi et à encourager l’économie locale constitue aussi un effet secondaire positif de cette pandémie. On n’a jamais été autant sensibilisé au fait de s’entraider et de comprendre l’importance du mot « solidarité » et de la fierté du patrimoine. J’ai vu des amis se vanter sur les médias sociaux d’être allés à tel endroit ou d’avoir dégusté le « take out » d’un certain resto pour ensuite en faire la promotion. On aime ça, et on en redemande! Quand on voit nos belles institutions souffrir et même s’éteindre, on tend la main, on pose des gestes. Ça aussi, c’est beau, et j’espère sincèrement qu’on continuera à le faire une fois les nuages gris dissipés…

 

Texte de Liza Frulla

Directrice générale, Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec

Depuis plus d’un an, nous vivons collectivement une crise sans précédent qui nous a forcés à cultiver la résilience. Osons voir dans ce grand bouleversement l’opportunité pour les Québécois.es de se réapproprier leur territoire. Inutile de traverser l’océan pour découvrir des montagnes majestueuses; voyager au Québec permet aussi de voir la mer… L’expérience du tourisme local est également une occasion de célébrer nos excellents produits, le savoir-faire de nos producteurs et la créativité de nos chefs. Parlez-en aux voyageurs des quatre coins du monde : les Québécois sont passés maîtres dans l’art de l’accueil !

À titre de plus grande école hôtelière au pays, l’Institut de tourisme et de l’hôtellerie du Québec est toujours à l’affût des transformations de notre industrie. Trois grandes tendances se dessinent pour l’avenir : la santé des voyageurs sera désormais au cœur des préoccupations, le tourisme se voudra durable, plus respectueux de l’environnement et de la société, et l’intelligence artificielle fera son entrée dans nos pratiques, permettant aux professionnels de l’accueil de se concentrer encore davantage sur les rapports humains.

À l’ITHQ, nous formons les piliers du tourisme au Québec. Nous nous enorgueillissons de chacune des belles carrières que mènent nos diplômés dans le merveilleux monde du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration. Et nous sommes fiers de voir Aude Lafrance-Girard, diplômée de l’ITHQ, à la tête de l’Hôtel Château Laurier Québec. Elle participe avec brio à la relance de notre industrie en vous invitant, elle aussi, à célébrer votre Québec.

 

Texte de Anne Hudon

Directrice générale, Festival d’été de Québec

Des vacances dans ma ville

La pandémie nous a imposé un temps d’arrêt. Cette pause nous a fait prendre conscience encore davantage de l’environnement dans lequel nous vivons, tous les jours. En ce qui me concerne, lorsque j’avais besoin de repos ou de changer d’air, la solution tout en haut de ma liste était de partir en voyage. Pas nécessairement toujours très loin, mais partir. La sensation de découvrir une nouvelle montagne, un nouveau restaurant, une nouvelle rue…voir la vie d’un nouvel angle pour se ressourcer.

J’aime profondément notre ville, un endroit dont le décor magnifique et les quartiers animés m’inspirent. Lorsqu’on a compris que la pandémie était dans nos vies pour un bon moment, on a donc choisi de partir en voyage dans notre propre ville. On a vendu notre maison pour s’installer en plein cœur de Québec de manière à profiter de l’ambiance urbaine et fréquenter quotidiennement les petits commerces du quartier. Et que dire du plaisir d’aller travailler à pied lorsque mon horaire le permet. Mon trajet devient alors comme un petit voyage!

J’encourage les gens de Québec à se gâter en séjournant un soir dans un hôtel de notre belle ville cet été!

 

Texte de Pierre Jobin

Journaliste

Un an sans voyager

Voyager c’est aller vers l’autre et cet autre nous manque.

Le voyage, on le rêve plusieurs semaines avant de le faire.

C’est la soupape pour la dure année de travail que l’on vient de terminer.

La pandémie nous a illustré clairement l’importance que l’on accorde à ce rituel.

La pandémie a mis en lumière son rôle dans notre équilibre mental, dans notre joie de vivre.

Aujourd’hui, nous sommes en deuil de ces aéroports bondés, grouillants, de ces agents de bord qui nous accompagnaient pendant quelques heures, du léger stress avant d’atterrir et de cette douce euphorie quand les portes s’ouvraient.

Quand la pandémie sera chose du passé, nous reprendrons nos voyages mais je crois en appréciant chaque minute, un peu comme si c’était le dernier. Nous serons plus sensibles à la beauté des lieux et des gens qui les habitent. Ce sera le cas tant au pays qu’à l’étranger.

Les livres de ces lieux inconnus qui nous ont gardé éveillés, nous accompagneront pour terminer leur mission.

J’ai déjà choisi l’endroit où j’irai prendre mon café pour célébrer le décès du Covid 19.

Pour moi ce sera Prague, un désir inachevé et le désir c’est le billet d’avion du cerveau

 

Texte de Stéphan La Roche

Président-directeur général, Musée de la Civilisation

Je voyage dans ma tête

D’aussi loin que je me souvienne, le voyage a toujours fait partie de ma vie. J’avais des parents toujours en mouvement, qui voyageaient beaucoup, sur le territoire québécois comme à l’étranger. Et comme j’étais le petit dernier, ils me trainaient partout avec eux. On peut donc dire que j’ai eu la « piqûre ». Dès les premières années de ma vie d’adulte, j’ai pris mon baluchon à mon tour pour découvrir de nombreux pays, jusqu’à m’installer pour vivre en France pendant quatre ans. Évidemment, toutes ces pérégrinations m’ont laissé de vifs souvenirs.

En cette période d’immobilité, ce sont toutes ces images qui me reviennent et qui m’habitent. Souvent, le soir, je laisse mon esprit divaguer sur tel voyage ou tel autre en tentant de le reconstituer le plus précisément possible… Et, inévitablement, un déclic se produit à chaque rêverie : c’est alors que je me promets de retourner dans cette ville, revisiter ce riche musée ou aller découvrir ce quartier intriguant que je n’avais pas eu le temps de parcourir… Mon carnet de projets de voyage n’a ainsi fait que s’allonger durant cette pandémie. Ah ! Croyez-moi : je saurai bien trouver une façon de récupérer le temps perdu !

 

Texte de John R. Porter, C.M., O.Q.

Président du conseil d’administration de la Fondation Félix-Leclerc

Dans ma vie professionnelle comme dans ma vie personnelle, j’ai toujours carburé aux horizons d’ici et d’ailleurs : Îles de la Madeleine, canaux de France, Argentine et Chili, Sicile et Naples auront été au nombre de mes destinations depuis 2018. Je puis confirmer que le voyage vous garde vivant, car il nous inscrit dans l’espace et dans le temps.

Pour moi, le voyage s’est toujours conjugué en trois temps : le voyage dont on rêve, le voyage que l’on fait et celui dont on se souvient.

Au cours de la dernière année de pandémie, j’aurai dû me contenter de cultiver mes souvenirs et mes rêves de voyage en Corse ou dans les fjords de la Norvège. Mon prochain voyage à l’étranger, je l’apprécierai encore plus puisque j’aurai été privé d’une escapade en pays étrangers, contrairement à mes habitudes. Au cours des douze derniers mois de pandémie, j’aurai connu ce que j’appelle le voyage sédentaire, mais j’ai hâte de renouer avec les bonheurs d’un vrai départ. La dernière année aura tout de même eu quelque chose de bon, puisqu’elle aura constitué une opportunité en or d’ouvrir enfin les yeux sur les beautés qui nous entourent, mais que nous ne prenions plus le temps de voir. En ce sens, la pandémie se sera révélée une occasion d’améliorer notre façon de voyager tout en faisant du sur place.

 

Texte de Mélanie Raymond

Directrice générale, Carnaval de Québec

Chaque année lorsque l’hiver fond sous nos pieds et que les journées s’étirent doucement, la folle envie de prendre le large m’envahit. Que ce soit pour arpenter des fonds marins, m’émerveiller à la vue de paysages à couper le souffle, me laisser enivrer par des odeurs et des saveurs surprenantes, l’appel du voyage résonne en moi.

Le printemps 2020 a été brutal, soudainement tous les plans de voyages se fracassaient les uns après les autres. Ces doux moments de repos tant convoités me filaient entre les doigts. Rapidement il m’est apparu évident que la seule option serait de voyager dans notre belle province. De la contrainte est née une fabuleuse quête de nos richesses québécoises, que ce soit en Gaspésie, à L’Isle-aux-Coudres ou à Tadoussac, je me suis laissée porter et je m’y suis sentie en voyage!

« Le plus beau voyage c’est celui qu’on n’a pas encore fait. » – Loick Peyron

J’ai littéralement été séduite par des panoramas dignes des plus grands films, par une gastronomie riche et empreinte de fraicheur et surtout par des gens d’exception qui ont soif de nous faire découvrir les trésors dont regorgent leur région. Que ce soit à l’étranger ou tout près de la maison, la découverte passe par une ouverture d’esprit et l’envie d’être dépaysé. Notre façon de voyager aura certainement changée, notre façon de recevoir elle, sera plus que jamais la clé du succès de notre fabuleuse destination!

 

Texte de Martin Soucy

Président-directeur général, Alliance de l’industrie touristique du Québec

Comme piste de départ, voici quelques lignes de réflexion :

  1. Les voyageurs adorent partir à la découverte du monde et dès qu’on commence, on devient insatiable et on en veut toujours plus. L’après pandémie changera-t-elle nos façons de découvrir le monde?
  2. Pourra-t-on recommencer à voyager de la même manière après la pandémie? Les séjours se feront-ils plus rares mais plus intenses?
  3. Le fait de moins voyager peut ralentir cette envie ou nous amener à changer notre manière de faire. On découvre de nouveaux intérêts, on déplace notre temps et budget vers d’autres projets, d’autres loisirs. Quels sont-ils?
  4. La lecture peut aussi faire voyager n’est-ce pas?

Le tourisme : et si après ?

Depuis plus de 25 ans, je suis habité par le tourisme. D’abord parce qu’il nous fait entrer en contact avec d’autres et que ces rencontres humaines nous permettent d’offrir de nombreux moments de bonheur. Ces souvenirs que les gens ramènent à la maison et que nous créons en tourisme sont durables. Le tourisme m’a aussi amené dans le rôle d’ambassadeur de quelques régions et, maintenant, de tout le Québec. C’est unique de pouvoir présenter ce que nous avons de meilleur à offrir, d’accueillir, de guider et de faire découvrir. Je suis aussi touriste dans la vie, curieux, tant des splendeurs du Québec qui offrent tant de possibilités que d’ailleurs dans le monde pour nous inspirer.

La pandémie a certes mis un frein à tout cela et elle nous changera possiblement dans cet après. Le tourisme repartira plus fort, mais possiblement transformé après cette tempête. Notre besoin de contact humain nous fera peut-être prendre plus notre temps pour arrêter la frénésie de nos vies parfois trop hyperactives. On parlera de voyage tout comme de vacances comme des synonymes. Nous partirons moins souvent, mais plus longtemps. Nous irons à la rencontre des gens des localités avec un intérêt d’en connaître plus et de vivre pour vrai. Lorsque les artisans du tourisme recommenceront à accueillir plus librement et à présenter le Québec que la pandémie ne nous aura pas enlevé, nous redeviendrons ces créateurs de bonheur que nous sommes tous. Et si après ? Que j’ai hâte !

Offres

Chambres

Dans le cadre du mois de la francophonie en mars 2021, nous avons demandé au gens du public de nous écrire un texte décrivant leur sentiment dû à l’impossibilité de voyager durant la dernière année. Ce fût l’occasion de convier le public à un concours.

Voici quelques textes reçus. Nous débutons par le texte de la gagnante du concours. Bravo!

Texte de Audrey Dufour

Montréal

Mes rêves fantastiques

Dans ma chambre microscopique, je mange un plat asiatique dans un état léthargique.

Je rêve de paysages nordiques, de montagnes à pic, de fouilles archéologiques, de gens sympathiques et de restaurants gastronomiques.

Dans mes songes comiques et quelque peu atypiques, je me promène en Martinique à dos de bique entourée de moustiques cacophoniques et je roule dans le trafic de l’Amérique à l’Afrique pour voir les jeux Olympiques au cœur du Mozambique.

Puis, je fais un pique-nique quelque part en Belgique avant de me rendre en Antarctique où des phoques mélodramatiques me chantent avec raison le réchauffement climatique.

Mais dans notre univers apocalyptique, quand pourrais-je voir un monde utopique où les lieux dignes de critiques dithyrambiques seraient davantage qu’une histoire hyperbolique ?

Je ne souhaite pas être cynique, mais de façon cyclique, entre deux périodes de classement alphabétique de fiches académiques, je me demande quand finira cette période aseptique.

Mais ne finissons pas cette chronique, ou plutôt cette réflexion anecdotique et un peu poétique, sur un ton tragique.

Nous sortirons du liquide amniotique et nous aurons notre fin magique.

En attendant, j’ai mal à mon âme de beatnik, mais lunatique, je peux encore m’échapper de façon cosmique.

Et dans mes pensées astronomiques et fantasmagoriques, je serai Spoutnik en mode automatique mangeant de la banique au vinaigre balsamique.

Texte de Anick Thibodeau

Québec

L’année 2020-2021 aura été une année particulièrement riche en émotion, en stress, en crainte et surtout elle nous aura appris à être conciliant avec certaines situations. Cette année a été difficile sur bien des points, étant une famille, qui adore voyager autant dans notre beau Québec qu’à l’extérieur, nous avons dû mettre une croix sur nos beaux projets. Nous avons tout de même encouragé nos hébergements malgré toutes les restrictions en vigueur, fermeture de piscine, repas à la chambre et toutes les mesures sanitaires en place. Malgré tout ça nous passons toujours des bons moments dans vos installations. Nous savons que vous avez travaillé très fort, avec les revirements de situations, et le tout pour la satisfaction de vos clients. Merci. Nous gardons espoirs que les mois à venir seront plus doux pour notre beau Québec. Nous allons pouvoir encourager nos hébergements et nos restaurateurs locaux. Un weekend en famille serait très apprécié, étant paramédic, nous avons très peu profité de temps de qualité depuis mars. Je n’aurais jamais cru vivre une pandémie mondiale au cours de ma carrière. Nous avons très hâte de pouvoir voyager et de pouvoir séjourner à notre guise dans votre hôtel.

Texte de Caroline Simoneau (et ma petite maman Francine)

Montréal

Depuis un an déjà, les voyages sont suspendus. Impossible de planifier nos rêves d’évasion; nous sommes confinés à imaginer nos plus beaux voyages.

Je partage la tristesse de ma petite maman, âgée de bientôt 80 ans, dans l’attente de pouvoir visiter à nouveau deux de ses enfants de l’autre côté de l’océan. Elle patiente, remplie d’espoir de pouvoir, encore une fois, s’envoler vers ses amours et d’étreindre longuement ses petites-filles dans ses bras. Parce que le temps file et qu’à son âge, ce temps risque plus gravement de s’arrêter. Maman le sait trop bien. Moi aussi.

Maintenant seule, nouvellement veuve, la dernière année fut pour elle une difficile épreuve. Je suis témoin de sa force, de sa volonté et de sa résilience. Elle prend grand soin d’elle et de son logis, en attendant. Elle compte sur moi pour l’aider à traverser l’océan dès que la chose sera possible en toute sécurité. Ce que nous avons hâte!

L’an dernier, au tout début du grand confinement, nous avions prévu une escapade mère-fille à Québec. Nous avions évidemment dû annuler. Un an plus tard, Québec nous attend toujours. Je nous imagine au Château Laurier…

Texte de Cathy Bérubé

Saint-Jean-sur-Richelieu

Voyager est un privilège. J’ai longtemps cru qu’il s’agissait de quelque chose d’acquis. Depuis le confinement, j’ai dû retravailler sur moi-même : sur mes valeurs.

Depuis la dernière année, je vis une forme de déstabilisation face à l’impossibilité de voyager. C’est comme si la vie s’est arrêtée. J’ai réalisé que partir à l’aventure, me procurait une vie en parallèle qui avait un début et une fin. Je voyageais à mon meilleur ; l’anxiété m’était neutralisée, j’étais ouverte aux nouveautés, pas besoin de performer… Bref, quand je revenais d’un périple, j’étais une version améliorée de moi-même.

Et puis cette pandémie est arrivée. Je me suis sentie vulnérable et déprimée. Pour tenir en attendant de pouvoir repartir à l’aventure, j’ai décidé de continuer de m’informer sur différents lieux encore inexplorés, je monte mes futurs projets d’escapade et je fais entrer les voyages vécus dans ma maison. Je décore en fonction des endroits explorés grâce aux photos et aux souvenirs collectionnés. Cela me permet de continuer de rêver, de vivre à travers ceux-ci. Aujourd’hui, je suis fière d’être resté zen durant cette période de crise. Je reprends le temps de retourner à la base et aux choses importantes, tout en restant dans mon salon.

Voyager m’a fait prendre conscience que le monde dans lequel nous vivons n’est pas éternel. Prenons-en soin.

Texte de Stéphanie Delagrave

Saint-Basile-le-Grand

Le temps s’est arrêté. Notre quotidien a été chamboulé. La terre a été secouée. Tout allait changer… Et si l’on pouvait encore voyager?

J’aurais envie de voir le monde. De sentir de nouveaux parfums, de goûter de nouvelles saveurs et de voir de nouvelles couleurs. De voir briller les étoiles dans les yeux de mes enfants à découvrir d’autres horizons et de nouveaux sons.

Dans la dernière année, la terre s’est recentrée. Au lieu de s’envoler pour décrocher, on a dû s’accrocher et s’enraciner.

J’ai hâte de ressentir le bas de mon ventre vibrer au son des moteurs de l’avion ou mes pupilles se dilater en voyant les couleurs des paysages du monde.

Cette dernière année a été la destination la plus intense de mon carnet de voyage. J’ai donné la vie une seconde fois dans un confort chamboulé et j’ai visité le plus beau pays qui soit… La Famille. Une aventure unique, mémorable et touchante. Des péripéties tantôt fantastiques, tantôt catastrophiques. Mais au final, notre album de voyage vient de se remplir de photos symboliques.

Vivement le retour du dépaysement et de la liberté de voyager en douceur… en famille.

Texte de Raphaël Boilard

Lévis

Évasion labyrinthique

Avions, autobus et trains
Sont immobilisés
Au grand désarroi
Des valeureux voyageurs

Fini le temps
Où les territoires
Se faisaient parcourir
D’Est en Ouest

Hôtels, musées et restaurants
Pleurent le vide
Naissant
Entre leurs murs

Voyager à l’intérieur
De soi-même
Solution idéale
Pour garder le moral

Espoir, entraide et solidarité
Aux moins nantis
Aux plus touchés
Voyages pour l’humanité

S’adapter
Tous ont dû le faire
Pour lever les yeux
Vers un avenir plus heureux

Où la liberté
Sera sur toutes les lèvres
Où l’aventure
Sera sans limites

Texte de Chantal Piché

Montréal

L’impossibilité de voyager m’a amenée à réinventer ma façon d’assouvir mon goût de l’aventure … et je n’ai pas été déçue, bien au contraire. Depuis un an, je fais un road-trip environ toutes les semaines. Et j’ai découvert, à ma plus grande honte, que je ne connaissais que très peu ma belle province. J’ai commencé par ma ville, des quartiers où je n’avais jamais mis les pieds. Ensuite, dans le confort et la sécurité de ma voiture, j’ai exploré des endroits relativement près de chez moi, majoritairement à moins de 100 km. J’ai découvert des trésors cachés, de petits villages pittoresques, des sentiers de marches, des lieux d’une beauté inouïe, des paysages à couper le souffle et j’ai réalisé que je n’ai pas besoin de faire plusieurs heures de route ou d’avion pour être dépaysée. Je n’ai jamais pris autant de photos de voyage et je ne regrette pas l’absence de palmiers sur celles-ci. Je suis maintenant une touriste … locale et je compte bien conserver ces petits plaisirs bien après la fin de la pandémie.

Clavardage