Vous avez dit « concierge »?

19 décembre 2017 -
Le coffre aux trésors d'Hôtel Château Laurier Québec

Au Québec, le terme « concierge » est souvent associé à l’entretien ménager d’un bâtiment. Mais saviez-vous qu’à l’origine, ce mot désignait un métier lié de près la noblesse européenne? En hôtellerie de luxe, le concierge, généralement amoureux de sa ville, est une véritable mine de renseignements et de conseils afin de profiter pleinement du séjour.

Dans mes prochains billets, je vous ferai justement part de mes recommandations pour apprécier les charmes de la ville de Québec… mais pour le moment, laissez-moi vous présenter la jolie histoire de la conciergerie hôtelière!

 

Naissance d’une profession… et d’un mot pour la désigner

Il y a environ 2000 ans que le concept d’hôtellerie s’est développé et, avec lui, la nécessité d’avoir du personnel qualifié pour assurer la sécurité et le confort des hôtes de passage. À l’époque romaine, les concierges étaient des serviteurs attachés à un lieu et appartenant à un maître, une origine qui se reflète dans le mot latin conservius signifiant approximativement « avec service ».

La fonction du concierge se précise au cours du Moyen Âge. On retrouve vers l’an 1195 le terme cumcerge qui désigne alors « celui qui a la garde d’un bâtiment important, d’un château, d’un palais ». Du même coup, il doit aussi veiller à la sécurité des personnes qui y logent : cet office est par conséquent rempli par des personnes de confiance, capables de contribuer au bon ordre des lieux en toute discrétion.

 

Chateau de Versailles – Galerie des Glaces

 

Des tâches colossales

À Paris, le concierge du palais de la Cité est un officier royal qui a de grandes responsabilités. « Il avoit toutes les clés du palais, excepté celles de la porte de devant ; & avoit inspection sur le portier & sur les sentinelles du palais » nous apprend l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Nommé par le souverain pour assurer l’ordre et administrer les services domestiques, ce personnage s’occupe aussi du tribunal de moyenne et de basse justice (équivalent des petites créances et de la cour de première instance du palais), et lui seul « a le droit de faire enlever les arbres secs qui étoient entre toutes les voiries & chemins royaux de la banlieue & vicomté de Paris. » Et enfin, comme si cela n’était pas assez, le concierge du palais doit répondre aux demandes parfois inusitées de la famille royale et des membres de la Cour ! Ses collègues œuvrant comme concierges dans les châteaux de province et les résidences nobles sont certes soumis à un peu moins de pression…

Être concierge est donc un titre de pouvoir et de prestige, assorti de tâches complexes. Il en va ainsi pendant pratiquement tout le Moyen Âge, jusqu’au règne de Louis XI (1423-1483). Qu’est-ce qui se passe par la suite? Tout simplement un fractionnement des rôles, qui ne seront désormais plus assumés par une seule personne, mais par plusieurs officiers. Le concierge continuera de s’occuper essentiellement des services domestiques, laissant aux gens d’armes (eh oui, les futurs gendarmes!) les questions de police et de sécurité, et aux magistrats les questions de justice.

 

 

De chastel à hostel

Dans les siècles suivants, la condition de concierge connaît à nouveau d’importantes évolutions.

D’une part, la construction de ponts et d’autres infrastructures ainsi que l’amélioration des routes vont grandement favoriser les déplacements. Les souverains européens ont l’habitude d’avoir la bougeotte et de se déplacer d’une ville à l’autre avec leur cortège de courtisans. Qui dit voyageurs (couronnés ou non) dit nécessité de trouver de l’hébergement ! Les premiers relais et auberges routières donnent progressivement naissance à l’industrie hôtelière, qui se déploie avec beaucoup de vigueur entre la fin du 18e et le début du 20e siècles, tant en Europe qu’en Amérique.

La clientèle fortunée qui fréquente les hôtels, friande de divertissements, de promenades pittoresques et de gastronomie, rehausse les standards attendus dans l’hôtellerie. Le concierge doit donc être très bien informé de l’histoire et des attraits de sa ville afin d’orienter adéquatement les visiteurs. Sa compétence rejaillit sur l’établissement qui l’emploie.

D’autre part, bien des gens, qu’il s’agisse de petits nobles ou de grands bourgeois, se font construire des hôtels particuliers, sorte de vastes résidences privées avec de nombreuses pièces, ce qui crée une forte demande pour du personnel domestique qualifié : majordomes, dames d’atours, cuisiniers, femmes de chambre et bien sûr concierges sont très recherchés. Si le phénomène existe déjà à l’époque de Louis XV, il s’accentue après la Révolution française. On l’observera aussi de ce côté-ci de l’Atlantique, alors que de riches familles bourgeoises font édifier de grandes demeures de trois étages, voire plus, dans les beaux quartiers de New York, de Boston, mais aussi de Montréal et de Québec.

 

La professionnalisation de la conciergerie

Toutes ces nouveautés favorisent une professionnalisation de la conciergerie : le concierge aura désormais pour vocation d’assurer un service courtois et efficace, tant auprès de ses patrons que de ses hôtes de passage.

Ce souci de structurer et de donner (ou redonner) ses lettres de noblesse à la profession de concierge mène à la création de l’Union Nationales des Concierges d’Hôtels, mieux connue sous le nom de « Clés d’Or ». Cette association professionnelle, fondée en 1929 par Pierre Quentin, concierge du prestigieux Hôtel Ambassador à Paris, vise alors à développer un solide réseau de convivialité et d’entraide où s’expriment les valeurs de professionnalisme. Un véritable code d’honneur, quoi. L’organisation, qui s’est progressivement étendue, est à présent internationale. Des activités ponctuelles visent à renforcer ce beau réseau.

Mais n’y adhère pas qui veut! L’organisation des « Clés d’Or » a déterminé des critères de sélection des plus exigeants, fonctionnant par parrainage et n’acceptant dans ses rangs que la crème de la crème des concierges d’hôtels. Le candidat est longuement évalué : le processus comprend un examen et même une visite incognito sur son lieu de travail! Appartenir à cette élite est par conséquent synonyme de distinction. Le concierge est alors autorisé à arborer la célèbre insigne de l’association, les deux clés dorées entrecroisées, véritable étendard de la tradition et du savoir-faire.

 

 

Le concierge d’hôtel aujourd’hui

À l’Hôtel Château Laurier comme dans les meilleurs hôtels du monde, le rôle du concierge au sein de l’équipe d’accueil est déterminant. En effet, il est en quelque sorte le premier représentant de la qualité et de la distinction de l’établissement.

Le concierge répond à une vaste gamme de demandes. Quels sont les meilleurs restaurants de fruits de mer? Quelles sont les attractions à ne pas manquer? Où aller pour s’offrir une balade romantique? Quels sont les spectacles à l’affiche? Y a-t-il des visites touristiques nocturnes? Quelles sont les activités à faire en famille? Le concierge peut effectuer des réservations, appeler des taxis, faire des courses, changer de la monnaie étrangère, trouver un salon de coiffure… ou même, en cas de pépin, un dentiste! En plus de démontrer des qualités personnelles telles que la discrétion, le tact et la diplomatie, il doit avoir une excellente culture générale, maîtriser les subtilités culturelles des clientèles internationales et, évidemment, connaître parfaitement sa ville et sa région.

Accessible et disponible, le concierge d’hôtel officie stratégiquement près du hall d’entrée, ce qui lui permet de répondre avec empressement et efficacité aux demandes qui lui sont formulées. Cette proximité lui permet en outre d’orchestrer le ballet des chasseurs, voituriers et bagagistes, pour un maximum de commodité. Dans les établissements de très grande taille, il peut être secondé d’un ou plusieurs concierges adjoints.

Vous l’avez compris, la compétence et l’expertise du concierge représentent une valeur ajoutée inestimable (et même indispensable!) à un établissement hôtelier haut-de-gamme. Par son travail empressé, il œuvre à maintenir l’excellente réputation et à favoriser le rayonnement de l’hôtel à l’international.

Et surtout, il contribue à enrichir l’expérience de la clientèle qui y séjourne, qu’il s’agisse d’une petite nuitée ou de plusieurs semaines, par affaires ou par plaisir!

Clavardage