Survivre à la crise, un apprentissage en accéléré

3 août 2020 -
Le coffre aux trésors d'Hôtel Château Laurier Québec

 

 

 

Pour une autre fois, Alain m’a laissé la parole pour son espace de blogue et j’ai décidé de vous présenter notre réalité en ces temps particulièrement difficile pour notre industrie et plusieurs autres types de commerce.

 

 

 

Ça fait maintenant quelques mois que nous sommes frappés par une crise sanitaire sans précédent dans l’histoire contemporaine. Telle un tsunami, elle s’est répandue en un éclair à travers le monde, forçant de nombreux pays et états à mettre leur économie sur pause afin d’arriver à la contrôler. Au Québec, notre gouvernement a agi promptement en imposant une fermeture temporaire de plusieurs secteurs de notre économie. À la lumière de ce qui s’est passé depuis et en constatant que ces décisions ont permis d’aplanir les courbes de décès et de transmission du virus, force nous est de constater que, dans l’ensemble, la crise a été bien gérée. Mais l’impact a été et demeure dévastateur pour l’industrie touristique et tout particulièrement, les milieux de l’hébergement et de la restauration. Comme entrepreneur et gestionnaire, ce qui m’a le plus interpellée, au-delà des pertes financières importantes, c’est notre relation avec notre personnel. Il ne faut jamais oublier que sans eux, l’expérience de séjour dans nos établissements ne serait jamais le même.

Déchirés face à des décisions difficiles

Peu après cet arrêt de l’activité économique, nous avons dû nous rendre à l’évidence. Il était impossible de faire comme de si rien n’était. Nous devions informer nos employés qu’il était impossible, sauf exceptions, de les garder en poste dans ce contexte. Comme gestionnaire, en se fiant à mon côté rationnel, la décision s’imposait. Mais en écoutant mon cœur, elle devenait pénible à prendre et difficile à communiquer. Mon père Alain, passait par la même gamme d’émotions. D’autant plus que cette décision ne découlait en aucun cas de mauvaises décisions ou pratiques de gestion de notre part. Nous ne pouvions pas vraiment avoir vu la tempête venir. Rappelons-nous, quelques jours à peine avant la mise en pause de notre économie, le gouvernement du Québec dévoilait avec optimisme son budget 2020-2021. Et qui ne se souvient pas de la pénurie de main d’œuvre à laquelle nous étions confrontés jusqu’à cette crise sanitaire. Tout ça contribuait à rendre la situation encore plus invraisemblable et difficile à accepter. C’est donc avec une réelle et grande tristesse que nous avons dû convoquer nos employés et les informer de notre décision.

Comme pour se rassurer, on se disait que l’impact de cette crise serait limité dans le temps. Nous pouvions difficilement imaginer alors que celle-ci viendrait affecter considérablement, quelques mois plus tard, nos opérations en période estivale. Je dois donc me rendre à l’évidence, les décisions déchirantes que nous avons prises en cette seconde moitié du mois de mars en ce qui concerne nos ressources humaines étaient les bonnes. Elles étaient, avec le recul, la seule avenue possible pour sauver nos entreprises et leur donner la chance de redécoller avec succès quand toute cette crise ne serait plus qu’un mauvais souvenir. J’aimerais rappeler ici, qu’en plus d’opérer deux hôtels situés au cœur de l’activité touristique de Québec, nous opérons un important service de traiteur événementiel et assurons la gestion du Manège militaire Voltigeurs de Québec comme site d’événements. Nous avons enfin fait l’acquisition de la boulangerie Le Croquembouche, un établissement reconnu du Quartier Saint-Roch.

Garder le lien et communiquer

Si nous avons réussi à connaître du succès au cours des dernières années, la contribution de nos employés en est, à ne pas en douter, un facteur important. En faisant ce constat, il devenait incontournable de les traiter avec le plus grand respect possible dans les circonstances. D’autant plus que ceux-ci, comme le reste de la population d’ailleurs, vivaient une période anxiogène face à la progression du virus et aux nouvelles règles qui venaient changer leur quotidien. Dès le début, nous nous sommes dit qu’il fallait établir des lignes de communication avec notre personnel. Nous avons donc mis en place des envois courriels réguliers pour les informer des développements mais surtout, pour maintenir un lien essentiel en cette période difficile. Nous leur avons d’ailleurs donné toutes les informations requises pour leur permettre d’avoir accès aux différents programmes d’aide offerts par les gouvernements.

Dans la réalité quotidienne de nos entreprises nous sommes, comme gestionnaires, en contact quotidien avec les membres du personnel. Nous sommes une entreprise familiale et la volonté de considérer nos employés comme s’ils faisaient partie d’une grande famille fait partie des valeurs que nous avons toujours voulu mettre de l’avant. Il devenait donc essentiel pour nous que les échanges avec nos employés en cette période de crise, puissent également adopter un ton moins formel. Nous avons donc décidé de créer, question de maintenir un contact plus familier, un courriel intitulé « Simplement nous ». Coordonné par ma sœur Corinne, celui-ci est centré sur les individus et la façon dont ils traversent cette crise. Le ton adopté dans ces échanges est bienveillant et les contenus sont inspirés du vécu et des solutions développées par certains de nos employés pour passer au travers de cette crise de façon plus sereine.

Comme beaucoup d’entreprises et d’institutions, nous avons également eu recours à des solutions technologiques pour maintenir le contact. Ainsi, à chaque semaine le vendredi, les employés étaient invités à participer à une visioconférence, avec l’outil « Zoom » (voilà un mot qui est devenu de plus en plus familier depuis la période de confinement). L’objectif était de se donner des nouvelles et de partager nos stratégies personnelles pour traverser cette période difficile. Et comme il était important pour moi et mes collègues directeurs de donner l’heure juste, nous avons utilisé certaines de ces rencontres pour communiquer de façon plus formelle sur l’impact de la crise pour nos entreprises et les mesures mises de l’avant pour s’y adapter et y répondre.

Savoir adapter nos opérations

 Nous avons décidé dès le début de la crise de maintenir l’Hôtel Château Laurier Québec ouvert mais de fermer l’Hôtel Château Bellevue. Cette décision permettait d’offrir, à proximité du centre-ville et de l’Assemblée nationale, de l’hébergement commercial afin de répondre aux besoins de clients qui devaient se déplacer et séjourner en hôtel malgré la crise. Dans les faits, moins de 5 % de nos chambres ont été occupées. Notre première préoccupation était d’offrir ce service de façon sécuritaire pour nos clients et nos employés. Nous avons donc scrupuleusement respecté les exigences gouvernementales en matière de santé publique et de sécurité et santé au travail. Ces normes sont venues modifier notre prestation de services, particulièrement au niveau de la réception des clients, du service aux chambres et de l’entretien ménager. Malgré tout, les clients qui ont séjourné chez nous se sont, dans l’ensemble, très bien adaptés à ces nouvelles mesures.

Depuis le début de l’été, l’achalandage a repris quelque peu, particulièrement lors des fins de semaine. En tenant compte de cette nouvelle réalité et dans le souci de respecter les normes gouvernementales, nos avons dû revoir certaines pratiques opérationnelles. Ainsi, à titre d’exemple, le service de voiturier a été interrompu et la charge de travail pour l’entretien ménager a dû tenir compte des nouvelles normes et de l’achalandage qui est nettement en baisse comparé à ce qu’il est en temps normal en haute saison. Cette situation vient évidemment affecter nos employés, soit à cause d’une perte de revenus, soit par une modification des horaires de travail qu’ils connaissaient avant la pandémie. Encore une fois, des communications régulières et de qualité avec notre personnel sont devenues incontournables dans ce contexte.

Confiance envers l’avenir…même si l’avenir semble incertain

Ma préoccupation principale, que je partage avec mon père et les directeurs œuvrant au sein de l’entreprise, est d’assurer l’avenir de l’entreprise afin de pouvoir revenir au niveau que l’on connaissait avant le début de la pandémie. C’est la seule façon de rappeler au travail tous les employés que nous avons dû mettre à pied. Le tourisme est sans aucun doute un des secteurs qui aura été le plus touché par la crise sanitaire que nous vivons. Face à cette situation incertaine, plusieurs travailleurs de l’hôtellerie auront décidé de réorienter leur carrière. Et on ne saurait leur en tenir rigueur. En conséquence, je pense qu’à peine serons-nous sortis de la crise, que nous serons de nouveau confrontés à une rareté de main d’œuvre. Je pense que nous avons pris, jusqu’à maintenant, les bonnes décisions pour protéger les actifs que ma famille a mis des générations à développer. Et nous allons continuer à analyser la situation et à tenter de prendre des décisions éclairées parce qu’avant toutes choses, nous sommes des hôteliers et nous aimons profondément ce que nous faisons. Nous naviguons toujours dans l’inconnu et nos décisions, pas toujours faciles, sont guidés par nos valeurs d’entreprise.

En conclusion, cette crise m’aura permis de jeter un nouveau regard sur la suite des choses et sur la façon dont je suis passée au travers. D’une part, apprendre à passer d’un mode performance à un mode d’apprentissage. Cette crise aura en effet été on ne peut plus formatrice pour moi. D’autre part, il m’apparaît plus que jamais que des contacts humains bienveillants et empathiques avec le personnel sont essentiels pour une entreprise qui veut survivre à une telle crise.

Clavardage